Marquises, Nuku Hiva, Baie de Taiohae 8°54.911 S // 140°05.965W 4/01/2008
Petit flash sur une journée à Nuku Hiva :
Le réveil est un peu tardif aujourd’hui. Hier, ayant pêché une belle dorade Coryphène d’1m30, je l’ai, comme chaque fois, partagée avec les autres bateaux et puis comme il en restait, ce fut l’occasion de faire une bonne bouffe à bord… Donc réveil un peu tardif, 7h… Les coqs ont depuis longtemps fini leur vacarme et le ronronnement des barques de pêche qui reviennent, ont pris le relais. Je me rends à terre pour acheter du pain pour le ti dej. Arrivée au quai, ça sent fort le poisson…La pêche a dû être encore bonne pour les pêcheurs. Il n’y a pas que moi qui pêche alors ! Sur la route de l’épicerie, une jolie bâtisse en belles pierres, se distingue vis-à-vis des autres constructions modernes. C’est la prison. C’est simple de la reconnaître, il y a des barreaux aux fenêtres. Devant, sous les flamboyants fleuris, 5/6 personnes jouent aux boules, ou se prélassent à l’ombre. Se sont les prisonniers. Ils sont leurs propres gardiens… Où voulez-vous qu’ils partent ! Le soir, ils rentrent et se renferment dans cette jolie maison en attendant que le soleil les rappelle pour leurs parties de pétanque quotidiennes… je continue ma route, la saison est belle, avec ses couleurs flamboyantes… un délice. Ils sont de couleur rouge, jaune, orange. C’est mon arbre préféré, c’est le plus beau du monde. J’arrive enfin à l’épicerie chez « Kamaké. »
« Kahoa, il vous reste une baguette. »
« Non, il n’y en a plus. »
« Et des Œufs ? »
« Non plus. »
« Bon tant pis, à demain. »
Et je reprends ma route. N’avoir pas ce que l’on désir est habituel dans les îles. Il faut savoir relativiser, sinon ça te bouffe. Moi, je m’en fou, ça me fait marrer et puis j’économise… En une semaine, j’ai réussi à acheter une seule fois une baguette…
De retour au bateau, je recouds mes chaussures « de marche ». J’ose encore les définir comme des chaussures, mais avec ce qui reste de tissu et de semelle, je pourrais aisément les confondre avec des chiffons… Mais je n’ai pas le choix, je veux courir dans la montagne tout à l’heure, et il ne me reste plus que ça. Ici, comme le pain ou les œufs, des pompes de marche, ça ne se trouve pas. Donc on rafistole. Je recouds la semelle avec mon fil à voile. Il y a du boulot, une heure de couture pour chaque pompe… Puis je mange rapidement un reste de Dorade au lait de coco curry de la veille et puis c’est parti pour une heure de course à pied… Ca grimpe, c’est dur, il fait chaud, je transpire beaucoup. Arrivée en haut, la vue est superbe, un panorama sur toute la baie. Timshel parait tout petit. La vie est tellement plus belle vue du haut. J’ai hâte de voler…Un jour peut être… (Dis Aurélie, tu me feras voler ?) Je redescends rapidement, je pousse un peu pour faire souffrir la machine…Oulalala, j’ai plus 20 ans… Il est vraiment temps que je reprenne un entraînement sérieux. En ce moment, c’est un jogging par semaine…Ca serait mieux tous les jours… Sur le chemin du retour, je m’arrête à l’atelier de Thierry. Il fini un Tiki qu’il vient de sculpter… Il se débrouille vraiment bien mon pote. Le rdv est pris pour demain pour qu’il me donne des cours… Greg le sculpteur arrive... Nouveau stop, chez des amis pour prendre ma douche. Miam, que c’est bon une douche, une vraie. Où l’eau coule à flot…Mais même comme ça, j’économise. Un petit coup pour mouiller, un coup pour rincer. Juste le strict nécessaire.
De retour dans l’annexe, un copain m’appelle.
« Euh, Greg, tu pourras venir avec moi demain voir une voiture que je veux acheter… »
« Pani Pwoblem mon pote. »
Je repars…
« Hey, Greg. »
« Oui les amis. »
« Il parait que tu repars Lundi… »
« Euh, oui peut être, je ne sais pas encore. »
« Demain soir, tu peux venir manger à bord. »
« Yes, no problem. Bye bye… »
Et je continue. Vais-je réussir à atteindre mon bateau…
Tiens, il y a un bateau sur ma route dont je n’ai pas encore fait la connaissance… Je m’arrête, « salut, enchanté, Greg ».
« Ah, tu es le bateau Timshel ? »
« Oui. »
« Et bien, j’ai navigué sur ton bateau en 1984, quand il appartenait encore à son premier propriétaire… Il s’appelait déjà Timshel, c’était son nom d’origine. »
Incroyable, les hasards des rencontres… J’aime cette vie si troublante, pleine de rebondissement. Il faut être dans une petite baie des Marquises pour que j’apprenne toute l’histoire de mon bateau…
Incroyable.
Pendant la conversation, un aileron surgit à 3 mètres de l’annexe. Un gros requin gris se trimbale entre les bateaux, à la recherche de nourriture… Breuk, sale bête. Celui là, il faut faire gaffe, c’est pas un gentil…
Et puis, j’arrive enfin à Timshel. Le soleil c’est déjà couché. Il ne m’a pas attendu. J’ai invité personne ce soir pour pouvoir enfin écrire quelques textes… Ce soir, sera donc paisible. Je vais me faire de la dorade, encore… Au vin blanc et à la Tomate, pour changer le délice…
Et puis je vais rapidement m’endormir, car ça ne parait pas, on a une vie difficile, en bateau autour du monde...Non ?