Océan Pacifique, Punta Mala 7°36,590N//79°34,229W 09/05/2007
6500 Milles 6H30, devant moi…
Ce matin, je déhale lentement à l’aide de mon guindeau électrique, machine avant toute, et en route pour de nouvelles aventures…
En longeant les îles de Pedro Gonzales et San José, je constate que j’ai deux nœuds de courant contre moi ce qui me donne l’impression que les Perlas n’ont pas envie de me voir partir…Mais les îles s’éloignent lentement et inexorablement, ce qui me permets de capturer une dernière fois l’odeur et l’ambiance de ce petit paradis terrestre oublié. Mon dernier mouillage des Perlas, celui de Pedro Gonzales fut le meilleur de tout l’archipel, j’y reviendrais un jour passer plus de temps…
C’est un départ donc en douceur, au moteur car les 0 à 5 nds de vent ne me permettent pas de pousser ma lourde coque de noix. Heureusement, je trouve rapidement une veine de courant avec 1 nd de courant favorable ce qui me permets d’atteindre la fabuleuse vitesse de 5nd…soit environ 10km/h. Mais je ne veux pas pousser plus mon moteur car en cas de ZIC (zone intercontinentale de convergence) trop basse, je serais obligé d’employer la mécanique durant beaucoup de milles, le temps de me dégager de cette zone de vent nul ( en fait, c’est ce que l’on appelle le poteau noir ).
Avant de partir, j’ai calculé le nombre de milles que je m’apprêtais à avaler avec quelques petits arrêts è 6500 milles nautique…Merde, tout de même ! (Environ 11000 Kms) Petit calcul rapide, 6500/ 5nd (vitesse du bateau)= 1300 h de nav, soit environ 54 j de nav pure. Deux mois juste de voile de Panama à Tahiti en passant par les Galápagos, île de Pâques, Les Gambiers, les Marquises, les Tuamotu et Tahiti…
Bref, je ne suis pas encore arrivé à Tahiti car avec mes 5nd de vent… Programme du jour, finir mon thon au curry crème fraiche, faire attention aux nombreux troncs d’arbres qui dérivent, lecture et sieste. Il faudra aussi faire gaffe à tous les cargos dans le coin, pour l’instant aperçu que deux porte-conteneurs, pourvu que ça dure…
Océan Pacifique, N/E île de Mapelo (Colombie) 5°01,602N//81°24,417W 11/05/2007
Le voyage « pépère » se prolonge, 3ème jour sans vent, je n’ai toujours pas atteint la limite du poteau noir, il faut que je continue à plonger dans le sud. Le moteur continu donc son dur labeur, quant à moi, je m’efforce de le faire consommer le moins car la route est encore longue. Je débranche donc l’excitation de l’alternateur pour le faire recharger qu’une partie de la nuit, je mets aussi le maximum de voile pour l’aider, j’ai pu ainsi l’éteindre 1h car il y a eu un peu de vent sous un grain. Mes journées continuent d’être harassantes de travail : dodo, sieste, bouffe, pêche, lecture et quand même un peu de bricole…Dure vie !
Océan Pacifique 4°13,641N//82°51,722W 12/05/2007
Après les trois premiers jours sans vent, soit 150l de gasoil, Éole a enfin décidé de m’aider un peu, ou plutôt de me divertir et de m’occuper. Le vent est donc arrivé ce matin, 15nd, puis 20 nd, 25 nd, pour enfin se stabiliser à 20 nd. Super ? Oui, si le vent ne venait pas du sud/ouest, c'est-à-dire juste la direction des Galápagos ! C’est con quand même ! J’ai donc été obligé de prendre une trajectoire Ouest, Nord/Ouest, me faisant perdre ainsi tous mes précieux petits sud que j’avais si chèrement payé (en gasoil !) Mais je ne vais pas commencer à me plaindre, le vent est là, j’ai arrêté le berlingot, c’est la voile, si ça ne me convient pas, j’ai cas acheter un bateau à moteur (berk…) Point positif, depuis la pointe Mala, je n’ai plus croisé un bateau et je peux dormir par tranche de ½ heure. Hier j’ai fais la connaissance avec la première dorade Coryphène qui a gagné au millionnaire !!! Et oui, à coté de moi, elle partait dans des loopings et sauts périlleux… On avait vraiment l’impression qu’elle venait de recevoir une très bonne nouvelle !
Océan Pacifique 3°30.213N//87°43.427W 15/05/2007
Depuis 5 jours, je suis au près serré bâbord amure, en direction de l’ouest et j’attendais, j’espérais que Éole me voit et qu’il me vient en aide… J’avais juste besoin de sud ou bien d’ouest pour pouvoir enfin pointer vers les Galap… Au bout de 5 j, me rapprochant de la longitude des îles, je me suis décidé à arrêter de rêver, ma bascule de vent que j’espérais ne vendra pas et j’ai donc viré, cap au sud…sud/est…Aie, ça fait mal de devoir repartir dans l’autre sens, tous ces petits ouest… Snif. Je fais juste un petit détour de 300 milles soit 3 j de nav juste pour la gloire. C’est la voile ! Heureusement, même si je suis incliné à 4O degrés, que le bateau tape dans les vagues de face et qu’il pleut 20h sur 24H…Et bien même avec tout ça, je suis bien en mer et j’ai hâte de passer l’équateur ! Je vais être bientôt un marin des mers du sud !!! Yes !
Ce matin, j’ai aperçu un bateau de pêche Samoa, premier représentant de la race humaine depuis 5J, ce qui ne me manquait vraiment pas. Je ne sais toujours pas ou je vais atterrir au galap, ni non plus combien de temps je vais y rester. Pour l’instant, j’essaie d’y arriver ! Le problème aux Galap, c’est qu’il n’y a que 4 ports où tu as le droit d’ aller, mais à chacune de ces escales, il faut repayer! Moi je me serais bien fait 20 j (c’est le maxi autorisé) sur les 4 îles autorisées mais s'il faut payer à chaque port!!! 150 $ une fois ok, mais pas 4!!! Donc je vais peut être faire jouer mon droit d'arrêt d'urgence de 3J et puis basta, je me casse car j'ai encore de la route finalement. A définir encore…
Océan Pacifique 2°30.702N//87°02.141W 16/05/2007
Féerie de la nature…
Je baille, je me retourne, impossible de me rendormir. Je suis dans le cockpit et il pleut une petite bruine, en fermant les yeux je me dis que je suis finalement arrivé en Bretagne, surtout que le petit vent commence à être bien frais. Finalement, je me lève, quitte à ne pas dormir, autant regarder la mer. Et je l’ai senti. J’ai su qu’il était là. A jouer, à tourner, à sauter. Je me suis décroché et lentement me dirige vers la proue de Timshel et effectivement, dans cette nuit noire, sans lune ni étoile, où je ne vois même pas mes mains, ni mes pieds, il est là, à danser et dessiner des figures antigéométriques absolument inimaginables. Je me raccroche sur mon étai largable et m’assieds malgré les tonnes d’eau qui m’aspergent à chaque fois que le bateau plante. Et là, c’est que du bonheur, c’est pour ces moments magiques que l’on souffre d’être en mer. Cette petite ogive phosphorescente d’un mètre de long suivie par sa traînée étoilée de 4 mètres s’agitent juste pour le plaisir de mes yeux. A plus de 30 m, une nouvelle traînée arrive perpendiculaire à la coque suivie d’une autre encore et une autre encore et ainsi de suite. Mon compagnon magique des ténèbres est rejoint par sa bande de copains et c’est à présent une dizaine de traînées de poussière d’étoile qui m’encerclent pour établir une chorégraphie digne d’une parade nuptiale…
Le Balai des Dauphins, de nuit quand l’eau est chargée de plancton, est une des choses naturelles les plus jolies que j’ai eu le plaisir de découvrir. Ce sont des étoiles filantes sous marine à deux mètres de vous. C’est prodigieusement merveilleux. Je souhaite à tous un jour de voir ce spectacle féerique. La dernière fois, c’était il y a un an, à la Blanquilla, au Venez, avec Morgane…C’était si bon, à deux…
Océan Pacifique 1°06.789N//85°49.997W 17/05/2007
Et hop, c’est reparti pour un nouveau bord ! Depuis ce matin, ma route obliquait de plus en plus vers l’est, donc j’ai dû revirer vers l’ouest avec un cap sud/ouest !!! Enfin !!! Le vent après 8 jours d’attente est enfin passé au sud et me permet pour la première fois de faire route directe vers les Galaps. Pourvu que ça reste comme ça ! Cette nuit, j’ai eu la visite et la compagnie d’un fou à pattes rouges, très sympa au début, bonne présentation, langage soutenu, nous avons pris l’apéro ensemble et là après il s’est lâché… Apparemment, il n’aurait pas supporté la sauce salsa hot… Résultat il m’a chié partout, toute la nuit et même en dormant il continuait. Un vrai vide ordure ! A 3 h du mat, j’étais obligé de tout nettoyer, même mes coussins extérieurs ! J’adore. A 7 h du mat, rebelote, il continuait toujours, j’ai dû donc jouer du seau d’eau pour lui demander de partir. Ca été dur, je crois qu’il m’aimait bien au fond et qu’il avait envie de finir la nav ensemble… Non mais, les pique-assiettes sont vraiment partout !
Océan Pacifique 0°24.787N//87°26,172 18/05/2007
Ca avance, enfin. Le vent depuis 2J est resté sud avec parfois des sud/ouest, mais en règle générale ça été. Je suis toujours bien sur au près serré, voir collé serré, mais ma proue est toujours orientée vers les Galaps. Depuis hier, je suis entré dans le courant de humbolt, résultat 22,5° ! Je suis passé en un rien de temps de 28,5 à 22,5 !!! Je n’ai même pas pu dormir dehors comme tous les soirs tellement la température est baissée.
Par contre, en principe, ce courant vient du sud et je devrai l’avoir contre moi et finalement, j’ai un nœud de courant avec moi !!! Je ne comprends plus rien des courants ici, j’ai cherché le contre courant dans le golf de Panama et je ne l’ai pas trouvé et à présent ce courant est renversé de 180° !
Océan Pacifique 0°07.702N//87°51,112 18/05/2007
La fête que ça va être ce soir. Deux trucs à fêter ! Il y aura dans quelques heures, le passage de l’équateur qui, pour nous marin, est toujours un signe de fête, mais il y a aussi pour moi le passage de mon point le plus à l’ouest depuis mon départ. En effet, en mer des Caraïbes, au Mexique, j’avais atteint 87°49 de longitude et je viens enfin de le passer. Je suis à présent plus à l’ouest que la côte est du Mexique. On voit bien que l’Amérique Centrale forme un S. Il m’aura fallu atteindre les Galápagos pour pourvoir prétendre être plus à l’ouest qu’en Mer des Caraïbes…
Océan Pacifique 0°00.000N//88°03,989 18/05/2007
Latitude 0, mission accomplie, je suis désormais un marin des mers du sudddddd !!!!!!!!!!!! Yessssssssssssssssss !!!!!!!!!!!!!
Dignement fêté, au champagne, partagé avec les dieux qui m’entourent, à savoir, Neptune, Eole, Strongal (le dieu de l’alu !), Ebène Vert (le dieu du bois à bord) et Dacron (le dieu des voiles)… De quoi mettre tout ce petit monde de bonne humeur de mon coté pour les quelques années que j’ai à passer dans cet hémisphère. De son coté Eole, nous a lâché 5 min avant le passage mythique ! Je crois que les 100 derniers milles qui me restent avant les galaps, se feront grâce à Monsieur Yanmar…
Galápagos 0°40.821 S//89°23,558W 19/05/2007
J’suis ! Depuis cette nuit, j’avance sous le vent de San Cristobal, anciennement appelé Ile Chatham. Aux Galápagos, toutes les îles, toutes les criques, tous les monts avaient des noms anglais, mais depuis que les Equateuriens se sont aperçus qu’ils pouvaient se faire de la tune ici avec les touristes, ils se sont réappropriés leur terre et leur ont redonné des noms Espagnol. Les Galápagos par exemple, s’appelle archipiélago de Colon ! Bref, qu’ils s’amusent s’ils veulent !
Revenons à nos moutons et à mes premières impressions, je découvre cette île et elle se dévoile que partiellement car elle est recouverte d’une épaisse couverture nuageuse qui ne permet pas d’apercevoir ses montagnes. Résultat, c’est une île toute plate qui est devant mes yeux ! En lisant des récits de voyage, à chaque fois, ils vantaient l’arrivée dans ces îles par la féerie des ballets aquatiques de nombreuses espèces animales. Et bien moi, rien, quedal, niette, que chi !!!A peine une frégate ! En ce qui concerne les températures, c’est la Sibérie, eau et air à …21° !!! Glacglac
Galápagos 0°53.745N//89°36,815 18/05/2007
Isla Cristobal, Bahia Wreck ou Baquerizo Moreno
L’ancre vient de s’agripper au fond du sable, je suis au mouillage, ça ne bouge plus…Bizarre ! 7 bateaux sont à l’ancre, dont 2 Français déjà rencontrés à Panama. Pas de trace de phoques, ni d’otaries mais une forte odeur de gasoil, certainement due en raison des 20 bateaux « promène couillon » autour de nous. Et ils nous empêchent de naviguer dans les Galápagos pour des histoires d’écologie, mais avec leurs bateaux « poële à mazout »…En arrivant jusqu’ici, j’ai aperçu brièvement 3 petites têtes, ça devait être des phoques…Tient, sur le bateau d’à coté il y a un chien dans la jupe qui aboie… Mais non, c’est un phoque qui bronze !!! Je suis bien aux Galápagos, il y a des phoques !!!!
J’ai pété une de mes dérives arrière, j’ai donc du taf en perspective !J’aurai mis en tout 10 j pour venir des Perlas jusqu’ici, soit en théorie 850 milles, mais dans la pratique, j’ai fait 1200 milles au prés serré. Soit une vitesse moyenne de 5 nd ! Et bien je ne connaissais pas mon bateau aussi performant car 5 nd de moyenne sur 10 j, au prés avec un Vieux dériveur chargé à ras bord… Et bien c’est très bien. Je suis fier de toi mon Timshel, tu es un bon bateau.
